David Herer

Poser les bases de sa structure culturelle : un guide pour clarifier l’essentiel

Pourquoi une compagnie de théâtre, un label ou un conservatoire a besoin d’une mission claire, d’une vision inspirante et d’une organisation bien huilée. Un guide pratique avec des exemples concrets pour éviter les approximations et avancer sereinement.

Poser les bases de sa structure culturelle : un guide pour clarifier l’essentiel

Une structure culturelle, qu’elle produise des spectacles, édite de la musique ou forme des musiciens, repose souvent sur une énergie créative. À ses débuts ou avec le temps, cette énergie peut être dissipée, les décisions peuvent devenir floues. Ce guide propose de revenir aux fondamentaux : définir ce qui compte vraiment pour votre structure, pour que chaque projet, chaque choix, ait du sens.

Pourquoi clarifier sa mission et sa vision ?

Imaginez une compagnie de théâtre qui monte à la fois des classiques du répertoire, des créations expérimentales et des ateliers pour enfants. Sans une boussole, comment savoir si un projet mérite d’être mené ? Faut-il accepter cette résidence à l’étranger ? Lancer une nouvelle formation pour les comédiens ? Une mission et une vision claires servent de filtre : elles aident à dire oui aux bonnes opportunités et non à celles qui éloignent de l’essentiel.

La mission : le cœur de votre structure

La mission, c’est la raison d’être de votre structure. Elle répond à la question : « Pourquoi existons-nous ? ». Elle doit être simple, mémorable et orientée vers l’impact que vous souhaitez avoir.

  • Exemple 1 : Une compagnie de théâtre

    « Nous créons des spectacles qui explorent les tensions sociales contemporaines, en mêlant écriture classique et formes hybrides, pour provoquer le débat et l’émotion chez un public adulte. »

    Ici, tout est dit : le quoi (spectacles), le comment (écriture classique + formes hybrides), le pour qui (public adulte) et le pourquoi (provoquer débat et émotion).

  • Exemple 2 : Un label de musique électronique

    « Nous produisons et diffusons des artistes émergents dont la musique repousse les limites du genre, en privilégiant les formats physiques et les expériences live immersives. »

    Le label sait qu’il mise sur l’émergence, l’innovation et une expérience tangible. Cela guide ses choix de signatures, de supports et de partenariats.

Comment la définir ?

  1. Listez les valeurs qui animent votre équipe (ex : innovation, accessibilité, transmission).

  2. Identifiez ce qui vous différencie des autres structures similaires.

  3. Demandez-vous : « Si notre structure disparaissait demain, qu’est-ce qui manquerait au secteur ? »

  4. Rédigez une phrase courte, en évitant les généralités (« promouvoir la culture »).

La vision : votre ambition à long terme

La vision, c’est l’horizon vers lequel vous tendez. Elle répond à la question : « Que voulons-nous devenir dans 5 ou 10 ans ? ». Contrairement à la mission, qui est ancrée dans le présent, la vision est tournée vers l’avenir et doit inspirer.

  • Exemple 1 : Un conservatoire de musique

    « Devenir le lieu de référence en France pour la formation des musiciens improvisateurs, en alliant excellence technique et liberté créative. »

    Cette vision donne une direction claire : développer des partenariats avec des festivals de jazz, recruter des professeurs spécialisés, ou créer un département dédié à l’improvisation.

  • Exemple 2 : Une société de production cinématographique

    « Produire des films qui marquent l’histoire du cinéma documentaire, en donnant la parole à des récits méconnus et en innovant dans les formes narratives. »

    Ici, la vision guide les choix de sujets, de réalisateurs et de formats (ex : documentaires interactifs).

Comment la formuler ?

  1. Projetez-vous dans le futur : « Où serons-nous dans 10 ans si tout se passe comme nous l’espérons ? »

  2. Soyez ambitieux, mais réaliste : une vision trop vague (« être le meilleur ») n’aide pas à prendre des décisions.

  3. Assurez-vous qu’elle soit alignée avec votre mission. Si votre mission est de « rendre la musique classique accessible », une vision comme « devenir le conservatoire le plus sélectif de France » serait contradictoire.

Ce qui vous rend unique : la proposition de valeur

Dans un secteur culturel souvent saturé, se démarquer est crucial. Votre proposition de valeur, c’est ce qui fait que le public, les partenaires ou les financeurs vous choisissent vous plutôt qu’un autre. Elle doit être concise, centrée sur les bénéfices pour votre audience, et facile à communiquer.

  • Exemple 1 : Une compagnie de théâtre jeune public

    « Des spectacles où les enfants deviennent acteurs de l’histoire, grâce à des dispositifs interactifs et une scénographie modulable. »

    La proposition de valeur met en avant l’originalité de l’expérience (interactivité) et son public cible (enfants).

  • Exemple 2 : Un label de musique classique

    « Des enregistrements qui révèlent la modernité des compositeurs baroques, interprétés par des musiciens passionnés et des instruments d’époque. »

    Le label mise sur un angle éditorial (la modernité du baroque) et une expertise technique (instruments d’époque).

Comment la définir ?

  1. Listez ce que vous faites déjà bien (ex : « nos ateliers sont toujours complets », « nos artistes sont régulièrement programmés dans des festivals »).

  2. Identifiez ce que vos concurrents ne font pas, ou moins bien.

  3. Demandez à votre public ou à vos partenaires : « Pourquoi nous choisissez-vous ? »

  4. Rédigez une phrase qui combine ce que vous offrez et ce que le public en retire.

Organiser l’équipe : qui fait quoi ?

Une équipe mal organisée, c’est comme une partition mal écrite : même avec les meilleurs musiciens, le résultat sera cacophonique. Définir les rôles et responsabilités permet d’éviter les doublons, les oublis, et les frustrations (« Je pensais que c’était toi qui devais t’en occuper ! »).

Pourquoi c’est important ?

  • Clarté : Chacun sait ce qu’on attend de lui, et ce qu’il peut attendre des autres.

  • Efficacité : Les tâches sont réparties en fonction des compétences et des envies.

  • Responsabilisation : Les membres de l’équipe deviennent garants de leur domaine.

Exemples concrets

  • Compagnie de théâtre

    • Direction artistique : Choix des textes, des metteurs en scène, orientation esthétique.

    • Production : Recherche de financements, logistique des tournées, contrats.

    • Communication : Réseaux sociaux, relations presse, création des supports.

    • Administration : Gestion des paies, comptabilité, déclarations sociales.

  • Label de musique

    • A&R (Artists & Repertoire) : Repérage des artistes, suivi des enregistrements.

    • Production : Organisation des sessions studio, fabrication des supports physiques.

    • Marketing : Stratégie de promotion, partenariats médias.

    • Diffusion : Vente en ligne, distribution physique, relations avec les disquaires.

Comment s’y prendre ?

  1. Listez toutes les tâches nécessaires au fonctionnement de votre structure (ex : « répondre aux mails », « organiser les répétitions », « gérer les réseaux sociaux »).

  2. Regroupez-les par grands domaines (ex : communication, production, administration).

  3. Attribuez chaque domaine à une personne, en fonction de ses compétences et de ses envies. Évitez de surcharger une seule personne.

  4. Documentez cette répartition (un simple tableau partagé suffit) et révisez-la régulièrement.

Définir ses productions : qu’offrez-vous au juste ?

Une structure culturelle produit des choses : des spectacles, des disques, des films, des ateliers… Mais ces productions ne sont pas toutes identiques. Certaines sont des produits (un album, un livre), d’autres des services (une résidence d’artiste, une formation). Les clarifier permet de mieux les promouvoir, les financer et les évaluer.

Exemples par type de structure

  • Société de production cinématographique

    • Produits : Films de fiction, documentaires, séries.

    • Services : Coproductions, accompagnement de jeunes réalisateurs, ateliers d’écriture.

  • Conservatoire de musique

    • Produits : Concerts des élèves, enregistrements de classes d’orchestre.

    • Services : Cours individuels, masterclasses, locations de salles.

Comment les structurer ?

Pour chaque production, posez-vous ces questions :

  • Quel est son objectif ? Divertir, éduquer, provoquer, documenter…

  • Quel est son format ? Durée, support (physique, numérique, live), public cible.

  • Quelle est sa valeur perçue ? Rareté, expertise, émotion, utilité…

  • Quelles ressources nécessite-t-elle ? Temps, argent, compétences, partenariats.

Par exemple, une compagnie de théâtre pourrait avoir :

  • Spectacles grand public : Objectif = divertir et émouvoir. Format = 1h30, en salle. Valeur perçue = qualité des interprètes et des textes. Ressources = répétitions, décors, communication.

  • Ateliers en milieu scolaire : Objectif = transmettre et sensibiliser. Format = 2h, dans les établissements. Valeur perçue = pédagogie et adaptabilité. Ressources = intervenants formés, partenariats avec les écoles.

Connaître son public : à qui s’adresse-t-on ?

Un public, ce n’est pas « tout le monde ». C’est un groupe de personnes avec des attentes, des habitudes et des modes de consommation spécifiques. Les identifier permet d’adapter votre offre, votre communication et même vos tarifs.

Exemples de publics cibles

  • Compagnie de théâtre contemporain

    • Public principal : Adultes de 25-45 ans, urbains, diplômés, abonnés à des salles comme le Théâtre de la Ville ou le Centquatre à Paris.

    • Public secondaire : Étudiants en arts du spectacle, amateurs de performances hybrides.

  • Label de jazz

    • Public principal : Collectionneurs de vinyles, amateurs de jazz moderne, 30-60 ans.

    • Public secondaire : Jeunes musiciens en quête d’inspiration, programmateurs de festivals.

Comment les identifier ?

  1. Observez vos publics existants : Qui vient à vos spectacles ? Qui achète vos disques ? Qui participe à vos ateliers ?

  2. Analysez leurs comportements : Où s’informent-ils ? Quels autres lieux culturels fréquentent-ils ? Quels réseaux sociaux utilisent-ils ?

  3. Segmentez : Regroupez vos publics par critères (âge, centres d’intérêt, localisation, fréquence de consommation).

  4. Priorisez : Concentrez-vous sur 2 ou 3 segments maximum pour éviter la dispersion.

Clarifier les concepts : éviter les malentendus

Dans le secteur culturel, les mots ont souvent plusieurs sens. Par exemple, « improvisation » peut évoquer le jazz, le théâtre ou la danse. « Art contemporain » peut désigner aussi bien une installation vidéo qu’une peinture abstraite. Clarifier ces concepts permet d’éviter les quiproquos avec votre public, vos partenaires ou même au sein de votre équipe.

Exemples de clarifications

  • Conservatoire de musique

    « Chez nous, l’improvisation n’est pas réservée au jazz. Elle est enseignée comme une compétence transversale, applicable à tous les répertoires, du baroque au contemporain. »

  • Compagnie de théâtre

    « Nos créations sont qualifiées de ‘théâtre documentaire’, mais nous préférons parler de ‘fiction inspirée de faits réels’. Contrairement au documentaire pur, nos spectacles intègrent une part de réinterprétation artistique. »

Comment procéder ?

  1. Listez les termes clés liés à votre activité (ex : « performance », « résidence », « masterclass »).

  2. Pour chacun, notez ce qu’il signifie pour vous et ce qu’il pourrait signifier pour d’autres.

  3. Rédigez une définition courte et précise, que vous pourrez partager avec votre équipe et votre public.

  4. Utilisez ces définitions dans vos supports de communication (site web, programmes, réseaux sociaux).

En résumé : par où commencer ?

Pas besoin de tout faire en une fois. Voici un ordre logique pour avancer étape par étape :

  1. Commencez par la mission et la vision : Ce sont les fondations. Sans elles, les autres étapes seront bancales.

  2. Définissez votre proposition de valeur : Elle vous aidera à vous différencier et à communiquer plus efficacement.

  3. Clarifiez vos productions : Qu’offrez-vous exactement ? À qui ? Pourquoi ?

  4. Identifiez votre public cible : À qui s’adressent vos productions ? Comment les atteindre ?

  5. Organisez votre équipe : Qui fait quoi ? Qui est responsable de quoi ?

  6. Clarifiez les concepts : Pour éviter les malentendus et affiner votre discours.

Une fois ces éléments en place, vous aurez une structure plus cohérente, des décisions plus faciles à prendre, et une équipe alignée sur un cap commun. Et surtout, vous pourrez vous concentrer sur ce qui compte vraiment : créer, produire, partager.

« Une structure culturelle, c’est comme un orchestre : chaque instrument a son rôle, et c’est l’harmonie entre eux qui crée la magie. »

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